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Au début des années soixante, Paul, alors âgé de seize ans, séjourne en Allemagne chez son correspondant. À peine plus jeune que la paix, il est livré à lui-même pour la première fois. Il découvre la petite bourgade de Kehlstein, épargnée par les milliers de bombes déversées sur la plupart des villes allemandes. Sa vie va-t-elle se dérouler dans une paix semblable ? Il lui semble impossible de se laisser aller à cette quiétude douceâtre en compagnie d'êtres humains qui s'imaginent que rien, désormais, ne les menace. Cette difficulté à vivre, Paul ne cessera jamais de l'éprouver. De Kehlstein, il ne lui restera qu'une image, celle d'un chemin forestier traversant l'épaisseur des épicéas et des sapins, une sorte de passage secret qui fait communiquer l'enfance et l'âge adulte, la guerre qu'il n'a pas connue et la paix qu'il n'a pas assez appréciée. À cette image se joint celle de Clara, fascinante jeune fille vêtue de noir qui continuera, à intervalles réguliers, de venir bouleverser son existence. Comme lui, elle refuse la paix amnésique, ressent un danger impalpable et imprécis. Lorsqu'ils se rencontrent pour la première fois, elle fait corps avec une petite caméra, il dessine. De quelles terreurs les visages tourmentés qui surgissent comme des fantômes de ses carnets de croquis sont-ils la proie ? Seule Clara semble comprendre.
Les années passent, Paul devient sculpteur et Clara, photographe. Ils se cherchent, s'attirent, se fuient, se déchirent, se traquent et se séparent, tentant désespérément l'un et l'autre de donner un sens à leur vie. Clara s'installe en France et essaie d'aimer un homme, professeur de philosophie et ancien soldat d'Algérie de son état, mais comprend qu'elle ne désire vivre avec personne ; Paul s'installe dans le Vercors et fonde un foyer. Au fil du temps, l'inquiétude, l'angoisse, l'incertitude et la tension persistent. Paul et Clara se confrontent chacun à leur manière à la brutalité du siècle, continuant malgré tout sur leur lancée. Les fêlures de la Seconde Guerre mondiale continuent de se propager…
Pierre Péju pose d'emblée un monde asphyxié où tout espoir est vain et des personnages qui vivent au rythme de leurs cauchemars, de leurs pulsions, traversant la vie comme s'ils avaient une revanche à prendre : contre leur inaptitude à l'ordre établi, contre la guerre toujours présente, contre leur impuissance à conjurer la fatalité. Un monde de violence, de fureur et de simulacre dans lequel sa génération n'a pas trouvé sa place et qui a tout détruit. Voilà sans doute pourquoi "Le Rire de l'ogre" fait si fort écho à notre époque : il en partage le désarroi, les interrogations, les turbulences et la cruauté. Un roman profus où prime la violence des sensations et dont l'intensité dramatique en fait l'un des meilleurs livres de son auteur.