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Neurologue en vue du Tout-Palerme, François Signorelli est frappé dans la force de l'âge par une maladie aiguë de la mémoire, prix à payer selon lui d'une légende ingurgitée trop vite l'année de sa véritable naissance, le jour où Marcel Signorelli a épousé sa mère Lina Ardanuit, effaçant le nom d'Ardanuit de son état civil. Du jour au lendemain, l'enfant de dix ans qui n'était le fils de personne était devenu le petit-fils de Fosco et découvrait le lait des orangers, les figues de Barbarie, les étapes de la route du Sahel, l'île des Lotophages, les mottes de henné et la Tunisie du Sud. Tandis que François perd progressivement la mémoire de son enfance Ardanuit jalonnée par la tristesse, la mort, la folie familiale, la solitude et l'absence d'un père de sang, les souvenirs du grand-père Signorelli s'imposent, intacts, immunisés contre la maladie. Ils sont sa mémoire de rechange, une sorte de procuration sur le temps passé. Tentant de renouer avec sa propre biographie, espérant trouver des traces de son existence, il s'aperçoit que c'est celle de Fosco qui s'est écoulée en lui. Le médecin sait que dans le cas du syndrome de Korsakov, autrement nommé l'Alzheimer des jeunes sujets, les souvenirs dévorés par la maladie sont remplacés par des histoires plausibles mais purement inventées. Conscient que sa mémoire sera tout entière habitée par la haute silhouette de Fosco et qu'il deviendra lui-même son ancêtre, celui qui s'affirme français par sa mère et "marocain par lâcheté, juif dérisoire car à mauvaise moitié, celle du père qui compte pour rien, la voie larvée", décide de faire un complice de son mal intime, lui offrant sans retenue ses mauvais souvenirs, les images terribles qui le hantent depuis la longue nuit Ardanuit. Korsakov peut tout lui prendre. Seul son grand-père mérite de vivre encore dans sa mémoire…
Divisé en trois époques, savamment architecturé, Korsakov a la force d'un récit qui prend le réel à bras-le-corps et le tient serré contre lui. Rarement l'atmosphère de souffrance qu'engendre la perte consciente de la mémoire a à ce point pris à la gorge, donnant profondément à ressentir la peur et la douleur. Sérieux et exigeant, fort d'une lucidité jamais prise en défaut, Eric Fottorino affiche sereinement ses parti-pris littéraires. Roman après roman, l'écrivain s'est frayé un chemin à part dans la littérature contemporaine, ne laissant aucun recoin inexploré. Bouleversant à l'extrême tout en procurant le bonheur de goûter une langue limpide et sûre, Korsakov est à ce jour son œuvre la plus aboutie, et l'une des partitions les plus fortes de cette rentrée.