Le ciel ne parle pas

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1609 : le jésuite Christavoa Ferreira débarque à Nagasaki. À l’époque, le Japon est un Eldorado et une foire d’empoigne : aventuriers et commerçants de toutes nations y rivalisent. À cette confrontation financière se mêlent des conflits religieux : protestants et catholiques importent en Asie leurs querelles.

Après une période d’anarchie, les Shogun Tokugawa décident de reprendre le pays en main. Les missionnaires chrétiens, d’abord bien accueillis, sont désormais soupçonnés de servir d’avant-garde aux appétits de conquête du roi d’Espagne. Mais le Japon n’est pas le Mexique ! Commence alors une vague de persécutions implacable : Ferreira doit passer dans la clandestinité. Traqué pendant vingt ans, il est finalement arrêté. Mis à la torture, il jette l’éponge, apostasie et se convertit au bouddhisme. C’est sur cette scène spectaculaire de reniement que s’ouvre le roman de Morgan Sportès, construit à la façonde boîtes gigognes où flash-backs et anticipations feront progressivement comprendre les enjeux de cette période sanglante. Ferreira n’est-il qu’un vulgaire apostat ? Ou un des premiers symptômes de l’écroulement de nos valeurs judéo-chrétiennes ? Montaigne a déjà écrit ses Essais, Cervantès son Don Quichotte, Descartes le Discours de la Méthode. Comment le doute qui a commencé de frapper les esprits les plus éclairés d’Europe n’aurait-il pas ébranlé, dans un Japon «tout à l’envers de nos mœurs», l’intelligence d’un religieux confronté à une nation si énigmatique – laquelle, bec et ongles, défend (mot déjà très en usage à l’époque) sa souveraineté? En ce xxie siècle qui voit resurgir les pires fanatismes, Morgan Sportès, avec ce roman «historique » plein de noire ironie, nous présente une sorte de miroir où, à trois cents ans de distance, s’échangent d’Orient en Occident les reflets de mêmes problématiques : Dieu, l’argent, le choc des civilisations, la liberté de commercer, de circuler, et une mondialisation déjà en marche.

De te fabula narratur. C’est de toi que parle cette fable !