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Karl Marx et mon père avaient un point commun : ils ne travaillèrent jamais pour gagner leur vie. « Les vrais révolutionnaires ne travaillent pas », affirmait mon père. Cet état de fait lui paraissait logique : on ne pouvait oeuvrer à l'abolition du salariat et être salarié - c'était incompatible. Après la mort de son père, Yassaman Montazami se réfugie dans l'écriture pour tenter de garder vive la mémoire de ce personnage hors norme. La drôlerie et la cocasserie des souvenirs atténuent peu à peu l'immense chagrin causé par sa perte. Né avant terme, condamné puis miraculé, l'enfant adulé par sa mère, qui jamais ne lui refusa rien, fut nommé Behrouz - en persan : « le meilleur des jours » -, un prénom prédestiné pour un futur idéaliste épris de justice et un pitre incapable de prendre la vie au sérieux. Envoyé en France pour y poursuivre des études qu'il n'achèvera jamais, il participe à sa manière aux événements révolutionnaires de 1979, au cours desquels l'Iran bascule de la monarchie à la République islamique, en faisant de son appartement parisien un refuge pour les Iraniens en exil. Leurs chassés-croisés entre Paris et Téhéran donnent à l'auteur l'occasion de brosser une multitude de personnages improbables et issus des milieux les plus divers : une épouse de colonel en fuite, fanatique d'Autant en emporte le vent, un poète libertin, mystique et interdit de publication, un révolutionnaire maoïste enfermé à la prison d'Evin, et même un ancien chef d'entreprise devenu opiomane. Évocation d'un monde aujourd'hui disparu, ce premier roman frappe par sa maîtrise et par l'acuité de son trait.