FRICTIONS

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Philippe Djian publie souvent juste avant l’été. Pour des questions de vente, certainement, pour des questions de public, aussi – car il est un véritable auteur populaire que ses admirateurs lisent à la plage –, et puis pour quelque chose de plus obscur qui appartient à sa nature propre d’écrivain : un rythme et un univers étrange, décalé, qui perturbe l’évidence des lectures de vacances et des plaisirs balnéaires. Tout ceci pour dire que ceux qui assimilent les romans de Djian à de la littérature de gare se trompent du tout au tout. Car ce qu’il écrit appartient bien plutôt au meilleur de la littérature de plage. Entendons-nous, à une littérature noire à lire sous le soleil pour envenimer l’été. Nuance de taille nécessaire à la compréhension de l’écrivain.

Le point de départ de ce nouvel opus, assez réussi, est le développement d’une nouvelle initialement publiée dans le quotidienLe Mondedurant l’été 2002 (tiens). Celle-ci constitue le premier chapitre d’un livre qui en comporte cinq, soit plusieursFrictionsavec la réalité environnante à différentes époques de la vie du narrateur. Pour lui, tout commence enfant par un écartèlement entre un père absent qui surgit avec une jambe dans le sac et une mère possessive capable de rendre n’importe qui maniaco-dépressif. L’enfant résiste, observe, assimile, se crée des résistances. La narration s’achève. On tourne la page. Ellipse. Deuxième friction. On retrouve le narrateur dix ans plus tard avec autour de lui une mère qui continue de délirer, son amant qui ne vaut pas grand-chose ainsi que quelques figures féminines difficilement saisissables et pas vraiment rassurantes. Troisième friction, nouvelle ellipse, le narrateur à dix ans de plus et pas mal d’argent…

De chapitres en chapitres, de séquence narrative en séquence narrative, Djian nous fait ainsi pénétrer cinq états différents de la vie d’un homme. Cinq états où la réalité – le monde alentour et les autres – est maladivement pesante et induit l’urgence d’une friction :« Il s’agit d’un ras-le-bol récurrent, d’un irrépressible besoin de tout envoyer promener à un moment ou à un autre, de m’en prendre à tout ce qui m’entoure. »
DansFrictions, il y a fiction. Le jeu littéraire n’est jamais gratuit et relève toujours du heurt.